Sylvie dis-moi comment tu fais… ou ateliers d’écriture pour de jeunes enfants
Merci à tous pour la photo !
Depuis cet automne, Bibliomedia propose diverses activités innovantes constituant ainsi une sorte de laboratoire où naissent plusieurs projets culturels possiblement reconductibles dans d’autres lieux. C’est dans ce cadre que j’ai été amenée à découvrir l’atelier d’écriture pour enfants donné par l’écrivaine Sylvie Neeman durant un mois. Ainsi quatre mercredi après-midis consécutifs, à raison d’une heure trente par séance, une demi-douzaine d’enfants, âgés de 9 à 11 ans, a pris part à cet atelier qui a eu lieu à Lausanne.
En tant qu’observatrice envoyée par la HEP et ancienne enseignante, j’avais listé ce que je souhaitais observer en priorité pendant ces séances. Pleine de références théoriques en tête et de constats en lien avec ma pratique, je me suis dit qu’il serait intéressant de voir comment étaient gérés certains moments qui me semblent problématiques comme la reprise des textes (corrections, mise au propre), le retour sur ceux-ci (formulation de commentaires) ou encore l’institution d’un certain rapport à l’écriture.
Toutefois, les visées de l’atelier, clairement énoncées, étaient très éloignées de mes idées un peu terre à terre. Lors de cette animation, il s’agissait pour les enfants de trouver du plaisir à écrire ensemble : l’imagination y est vue comme partie prenante du plaisir que l’on peut éprouver à inventer en écrivant. Au cours des séances, j’ai ainsi pu observer des enfants qui se sont plu à écrire et à partager leurs idées, voire à les discuter. Le matériel donné aux enfants (un joli cahier de couleur), les consignes qui visent à produire des textes souvent rigolos (la recette du plus mauvais gâteau au monde par exemple), les retours toujours encourageants de Sylvie Neeman sont autant d’éléments qui ont permis d’atteindre le but visé.
Quel plaisir de voir ces enfants heureux d’écrire et, qui, plus est, proposer des textes d’une rare qualité ! Puis mes considérations si terre à terre me sont revenues à l’esprit et j’ai réalisé que dans nos classes, les réalités sont très différentes. Les enfants présents à l’atelier veulent « devenir journaliste ou écrivain » ou « adorent lire » : ils participent à l’atelier par choix et envie. En classe, les élèves sont contraints d’être présents et d’écrire dans un cadre bien précis. Par ailleurs, lors de l’atelier, les erreurs orthographiques ou le manque de soin dû à des biffures ou réécritures sont considérés comme constitutifs du travail d’écriture. Ainsi les aspects déplaisants de l’écriture sont évacués pour laisser plus de place à l’inventivité.
Durant l’animation, les retours sont toujours positifs et relèvent un point intéressant du texte partagé. Il s’agit généralement de considérations esthétiques faites par Sylvie Neeman (« c’est très poétique », « c’est une très belle image », « j’aime bien la structure avec les rimes »). Dans le cadre d’une classe, les retours, moins positifs, cherchent surtout à guider les élèves de manière à ce que les objectifs fixés soient atteints.
Il est également intéressant de prendre en compte la manière dont le rapport de l’enfant à l’écriture est construit au travers de l’animation. Tout au long des séances, Sylvie Neeman ponctue ses interventions de divers conseils qui renvoient au métier d’écrivain. Lorsqu’un enfant ne sait pas quoi écrire, elle dit que l’inspiration n’est pas toujours fidèle au rendez-vous. Pour justifier une activité sollicitant l’imagination des enfants, elle raconte qu’elle aime regarder les fenêtres allumées des gens et imaginer qui ils sont, ce qu’ils font. Au fil de ses remarques, Sylvie Neeman instaure un certain rapport à l’écriture qui rend compte de sa pratique en tant qu’écrivaine (être en panne d’inspiration, imaginer à partir de la réalité, …). Ce genre de commentaire, souvent absent dans les classes, permet à l’enfant de prendre conscience d’un certain nombre de pratiques liées à l’écriture pour penser son rapport à l’écriture.
Si les réalités d’un atelier d’écriture et d’une leçon de production de texte en classe sont très différentes, il s’agirait tout de même de s’interroger sur la place que l’école peut ménager à une démarche d’écriture faisant du plaisir d’inventer un enjeu central. Il me semble que si la lecture-cadeau a un rôle à jouer dans les classes, l’écriture-cadeau, telle qu’elle est envisagée dans l’atelier de Sylvie Neeman, peut également favoriser le développement d’un rapport positif à l’écriture en révélant aux enfants tout l’intérêt de sa pratique. Effectivement, bien que l’école ait pour mission de développer et d’évaluer les compétences d’écriture des élèves, j’aime à croire qu’elle peut aussi leur offrir la possibilité de découvrir l’intérêt de certaines pratiques. L’école devrait donner aux élèves non seulement les moyens d’écrire, mais également l’envie de le faire. Des moments d’écriture-cadeau, brefs et jouant en partie sur les acquis des élèves, paraissent un moyen relativement simple et efficace de leur permettre de découvrir les plaisirs de l’écriture, voire de se réconcilier avec une pratique complexe et souvent perçue comme contraignante.
Par Vanessa Depallens, assistante à la HEP Vaud et enseignante dans le canton de Vaud, vanessa.depallens@hepl.ch
chronique publiée le 4.01.2016